Wanda, c’est le nom que nous avons décidé de donner à notre petit poisson de la fonction publique hospitalière. Nous aurions pu choisir Nemo qui semble lui correspondre davantage en termes de personnalité, mais la référence au film « un poisson nommé Wanda » dans lequel brille la stupidité et l’avidité des personnages, de même que le principe de l’instrumentalisation par la manipulation nous rappelle davantage l’organisation de l’hôpital que le duo Nemo-Doris, quoi que…

En fait, l’hôpital pourrait inspirer un film des Monty Python

Dans notre affaire, Wanda a décidé de rentrer dans l’arène et lutter pour se défendre. Finalement, la « planque du placard » permet de prendre du recul et de devenir l’observateur distant d’un système édifiant.

Voici donc l’histoire de l’éviction de notre médecin qui, dans une envolée surprenante a transformé son placard en tour mirador d’où elle scrute les dysfonctionnements les plus loufoques et inquiétants. Cela prêche, il faut le dire, pour la mise en place de vraies cellules d’observation des comportements déviants au sein de l’administration, depuis le temps qu’on le dit.

Que l’on soit dans l’aquarium de Wanda ou dans l’île aux enfants d’Athos, les règles du jeu sont finalement toujours les mêmes: le monde du travail est devenu le laboratoire des idées les plus folles sur comment exceller dans l’art de la guerre, monde sans pitié dans lequel celui qui n’a pas de stratégie de défense se transforme en véritable bouclier humain pris entre la lâcheté des uns et les agissements intentionnels des autres. Finalement, c’est au placard que l’on trouve le plus de sécurité contre pervers sexuels et autres agressions insidieuses.  Le carton plein de la productivité, l’explosion totale du bonheur au travail.

Edifiant.

La mise au placard

 Deux semaines après la mise à mort, retour de vacances.

Réunion du chef, de l’adjoint, du collègue syndiqué (sympa, il a bien voulu m’accompagner) qui consiste à expliquer à la vilaine (c’est moi) comment on a organisé son activité au placard. Du pratico-pratique, bien policé, bien formaté.

-« Vous allez voir, cela va bien se passer, il n’y a pas de raison. »

 Un joli compte-rendu, signé par tout le monde, sauf moi, toujours vilaine. J’ai l’estomac en vrac, l’envie de hurler, les larmes aux yeux. Ma tête explose. DESOLEE, je ne me laisserai pas manger, messieurs les prédateurs.

 Je suis restée calme, COMMENT ? Grâce à mon Guide de Survie en Milieu Hostile, niveau avancé (j’avais déjà acquis le niveau débutant il y a 15 ans), en cours accéléré. Pendant mes vacances, mes amis avocat et psychiatre et autres, s’étaient mis en tête de transformer la nunuche trop empathique que je voulais rester, en Wonder Woman des relations interpersonnelles tordues. L’ordre m’avait été intimé (sinon je perdais leur amitié, du vrai chantage affectif) d’abandonner ma vision idéaliste « un peu de spontanéité dans un monde de tordus, un peu d’altérité dans un monde d’égocentrés » en « tu es tordu, je le suis aussi ».

 Quelques jours au placard, et le chef me rend visite. (Je sais pas comment il a pu trouver où c’était, ce doit être la secrétaire qui lui a indiqué le chemin).

  • Alors cela se passe bien, vous n’avez pas de soucis
  • Oui, cela se passe bien (cf. Guide de survie)
  • Vous savez, je suis là pour vous aider, car il faut vous protéger. Certaines personnes vous veulent du mal, mais pas moi.
  • Ne vous inquiétez pas, mon ami x m’a expliqué comment me protéger. Vous le connaissez peut-être, Maitre Y. (cf. Guide de survie)
  • Oui, oui
  • Et d’ailleurs, le plus simple c’est que je vous écrive si il y a un souci (cf. Guide de survie)
  • oui bien sur
  • et vous me répondrez par écrit (cf. Guide de survie)
  • bien sur, mais on n’apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces
  • Vous voyez, j’ai décidé de devenir un vieux singe. Je vous laisse, j’ai du travail. (cf. Guide survie)
  • Bien sur, bonne journée

 Bon finalement, ils avaient peut-être raison, j’étais vraiment une nunuche. Mais berk, quel monde.

Et si le poisson n’avait pas eu des amis spécialistes de la survie, il se serait noyé ?

 C’est peut être pour cette question sans réponse qu’ Athos s’est fait une amie.

 Finalement, mon placard, j’ai décidé de le rendre sympa, dans le style, je refais les peintures, change la moquette, mets un bouquet de fleurs.

Les patients sont toujours là, authentiques dans leur humanité, et c’est pour eux que je suis là.

 Les voisins ont l’air sympa, et nunuche empathique irrémédiable, je ne vois pas pourquoi je changerais avec eux ce que je suis (je ne suivrai pas sur ce point le Guide de Survie, tant pis).

 Après quelques mois, j’avais raison. Mes voisins de placard sont des êtres humains et non des envahisseurs venus d’ailleurs déguisés en humains. Chic, il y a encore des êtres humains à l’hôpital (hormis les patients bien sûr).

 MAIS JE COMPRENDS PAS BIEN, le chef il n’a pas l’air content que le poisson ne se noie pas, isolé dans le placard. Il a même l’air d’être en super forme le poisson .Quel budget cela lui coûte au poisson ! crème, masque, sérum, esthéticienne, danse, concert, théâtre. (J’ai finalement décidé d’ajouter une annexe Femme et Intellectuelle au Guide de Survie des copains).

 Et puis, il a eu raison le chef de me mettre au placard. Le poisson dans son placard, isolé de l’aquarium géant, (le service hospitalier) a une vue imprenable sur le comportement des autres poissons face à ce qui lui arrive.  Seconde divine révélation.