Difficile d’introduire cette nouvelle chronique de Wanda… un cri du coeur, des mots bien choisis, l’expression d’une souffrance à peine déguisée…elle soulève tout, tout, absolument tout ce qu’il faut savoir du harcèlement moral à l’hôpital: le système féodal, la guerre du trône, le profil narcissique du chirurgien (il y en a des extraordinaires quand même allez, soyons fair play), les intrigues, les luttes de pouvoir, les coucheries (si si), les jalousies….

C’est à se demander si finalement, l’hôpital ne serait pas la fiction et Grey’s Anatomy la réalité, à savoir qui a inspiré l’autre…

Cette chronique illustre que souvent, trop souvent, des conflits sans merci naissent entre médecins. L’indépendance du praticien hospitalier est essentielle mais elle devient aussi sa plus terrible prison lorsqu’il subit la liberté un peu trop envahissante d’un autre. Quelle est la solution? Rappeler que l’exercice de la médecine est commandé par un serment et une déontologie qu’il serait de bon ton de ne jamais oublier avec le temps? Que les entraves doivent être sanctionnées pour éviter le sentiment de toute puissance de certains et l’effondrement psychologique des autres?

L’idée cynique de Wanda: prévoir un budget souffrance au travail quand on embrasse la carrière médicale. Le code de la santé publique prévoit que le praticien hospitalier peut bénéficier de soins gratuitement dans l’hôpital où il exerce, on va dire que le principe existe. Quelle ironie…va-t-on vraiment se confier en interne au service de santé mentale au risque de l’exploitation sournoise de sa fragilité?  Wanda le dit elle-même, envahie de culpabilité, elle a à peine osé se plaindre ou s’effondrer…

Alors reprenons. Wanda ne recherche pas de « wandetta », elle prône l’éthique et n’en démord pas. Quelles solutions face à la lâcheté ou au règne du plus malin? Peu de réponses hélas. Mais n’oublions pas que c’est aussi le rôle du président de la CME d’alerter l’ordre administratif des dysfonctionnements entre médecins puis de faire un peu de police auprès de ses semblables: il faut réguler par le disciplinaire les comportements déviants (procédure encadrée et contradictoire) et surtout briser les usages qui maintiennent en place le système féodal.

Système féodal? Quel heureux terme. Parlons aussi d’ancien-régime: mode d’organisation sociale divisée en trois ordres le clergé, le tiers-Etat et la noblesse, idéologie reposant sur la tradition et non le mérite personnel….selon que vous serez puissants ou misérables…. Tirons peut-être les leçons du passé et abolissons les « privilèges » avec dignité et éthique avant qu’il y ait trop de décès ou de « dommages collatéraux »? On se croirait à y songer dans Game of thrones, Athos a vu juste, cela n’a jamais été aussi vrai à l’hôpital.

Comme pour les enfants, les jeunes médecins doivent se voir enseigner la tolérance, la vulnérabilité et le respect de leurs semblables pour que changent les comportements. On aura bon dos de critiquer le mode de gouvernance des hôpitaux, il est faillible c’est évident et incapable de gérer la montée en puissance des dysfonctionnements. Mais le système voit hélas perdurer des comportements intolérables de la part de certains soignants, quel que soit leur grade ou leurs fonctions. Partout où il y a du pouvoir, il y a de l’affrontement et c’est bien triste pour un secteur dont la vocation est de sauver des vies. Prônons la réconciliation et non l’opposition car tout extrême, même pour celui qui pense sa cause juste, reste un extrême.

A-t-on jamais pensé que ce n’est pas tant la règle le problème, mais celui qui en fait usage?

Si nous stoppions les intrigues, les rumeurs, les manipulations, les jalousies et le commérage, de même que l’instrumentalisation de la vie personnelle des soignants, alors peut-être que dans un secteur où la crise budgétaire attise les flammes, la mission de service public du soin serait replacée au centre de tout et de tous…rêvons un peu, ce n’est peut-être pas si compliqué…

Seconde Mise à Mort

Juste après la mise à mort, les collègues, au téléphone, par SMS.

« C’est pas normal »

« C’est pas élégant de te virer comme cela »

« On voyait bien qu’il avait un problème avec toi depuis 1 mois »

« Tu avais un problème avec lui, c’est pour cela que tu avais pas l’air bien »

« Il a un problème perso avec toi, qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Je sais pas quoi dire »

« Il dit que tu as traité sa femme de conne »

« Il dit que tu as dit que tu étais libre »

« Il dit qu’il s’est trompé sur toi »

« Il paraît qu’il a dit au directeur c’est elle ou moi »

« Il paraît que tu le harcelais »

« il paraît qu’il s’est passé quelque chose de grave »

« Quand j’ai rappelé que vous étiez amis, que quand on a un problème avec quelqu’un, on communique. Il a répondu, on peut pas parler avec elle. Je lui ai dit, c’est pas vrai. Elle écoute. Quand j’ai ajouté, dans ce cas là, on prend un médiateur, il s’est énervé et il s’est mis à trembler»

« De toute façon, c’est mieux pour toi, c’est un violent »

« Il t’a traité comme une serpillière, tu n’as pas arrêté de l’aider, d’être à sa disposition pour les patients »

« Tu n’aurais pas du être aussi sympa »

« Maintenant que tu l’as bien aidé, il n’a plus besoin de toi »

« Il s’est tiré une balle dans le pied »

« Il a besoin de toi, tu sais c’est tout le temps comme cela à l’hôpital, dans 3 mois, tout sera oublié. Tu te souviens de machin, il est revenu »

« Moi, j’avais bien vu que c’était un tyran, pas un leader »

« Cela lui portera pas chance, il va voir »

« Tu sais Machine, Choupinette et Lèvres en feu, elles jubilent »

« Faut pas te laisser faire, tu es trop gentille »

« Le chef avait bien envie de se faire ta tête, il lui a apporté sur un plateau »

« Personne bougera, tu sais, j’ai l’habitude »

TIERCE QUINTE+ DANS L’ORDRE ET DANS LE DESORDRE.

De toute façon, je ne suis pas là, je suis à 1000 kms, en vacances. C’était bien astucieux, la mise à mort juste avant que je ne parte en congés prévus de longue date. Une stratégie bien huilée à l’hôpital.

J’AI DEJA PERDU, LA RUMEUR A GAGNE. Il n’y a pas de fumée sans feu. Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.

L’hôpital a toujours vécu au rythme de Radio Poubelle qui émet 24h/24h, 7j/7j, service public oblige

J’ai écouté, écouté, la rumeur qui gronde, enfle et se répand. JUSQU’A LA NAUSEE.

« Comment tu te sens ? « 

« ça va ? »

SURPRISE, UN PEU D’HUMANITE.

Eh oui, je suis toujours et encore une personne et non uniquement l’objet de la rumeur.

… ET LES INFORMATIONS CONTRADICTOIRES FUSENT …ET LES COMMENTAIRES FUSENT … et le poisson qui a bien du mal à nager, reçoit en quelques jours une rumeur d’un quintal sur les nageoires. Et nager avec un quintal sur les nageoires, je peux assurer que c’est pas facile pour un poisson, même si la vie l’a bien entraîné à nager contre des courants contraires.

Globalement, je croyais avoir compris les raisons de ma mise à mort.

Pour faire simple et résumer, le chir veut se débarrasser de moi, il gère pas ses ambiguïtés, ou sa femme, ou les deux. Le vieux patron de chir (qui m’aurait défendu) est mort. Sentiment de toute puissance du chir qui se sent enfin « CHEF » des chirs sans l’ombre du vieux (comme il l’appelait) qui rode. Le chir sait, parce que je lui dis (ben oui, je suis stupide) que le chef aimerait bien se payer ma tête. L’adjoint rode déjà depuis un moment car il veut placer sa roussette à ma place (Note du traducteur : jeune poisson qui a des ambitions). L’adjoint fait du gringue au chir. Le chir fait du gringue à l’adjoint et à la roussette (qui commencent à emmerder le poisson), casse du sucre sur le dos du poisson. Le chir va trouver le chef (qui n’attendait que cela), demande ma tête et l’obtient.

OK j’aime pas, OK je suis déçue, je finis même par comprendre le chir qui apparemment ne sait pas faire autrement pour régler un problème (le chir moyen a autant de compétences relationnelles qu’un bistouri, surtout avec les femmes), même si l’art et la manière laissent beaucoup à désirer. Mais bon à l’hôpital, tout le monde finit par s’habituer à ces pratiques féodales. Mais bon, j’avais de l’affection pour le chir, mon compagnon aussi. Je suis affligée de ce comportement, mais c’est la vie, je n’ai plus quinze ans, MOI.

MAIS LA, C’EST LE SECOND EFFET KISS COOL DE LA MISE A MORT

KESAKO. Le chir prend le rôle de victime du vilain poisson que je suis.

OK le chir, il est immature, OK il est impulsif, OK il a l’égo d’un chirurgien (pour comprendre : savez-vous la différence entre Dieu et un chirurgien ? Dieu ne se prend pas pour un chirurgien), OK il colmate sans cesse sa faille narcissique avec son sourire à cent balles, OK il est influençable.

Mais je pensais qu’il faisait partie encore des êtres humains, avec des valeurs humaines, le service public, au  service du public, des patients. Un qui serait resté quelque part un médecin, voulant aider les gens, et non un envahisseur venu d’ailleurs.

Je me suis trompée ?

Je me suis faite manipuler ?

Je suis débile et c’est bien fait pour ma pomme ?

BILAN D’ETAPE UNE SEMAINE APRES LA MISE A MORT.

 Je me sens coupable, il faut savoir qu’un soignant a de par sa nature une aptitude particulière à la culpabilité.

Je me sens trahie, j’ai offert mon soutien, mon amitié à ce qui pourrait finalement être un envahisseur venu d’ailleurs.

Je n’ai rien vu venir, Je me suis fait berner, et je réactive ainsi allègrement la faille narcissique originelle que tout être humain porte en lui.

JE ME SENS NULLE, JE SUIS NULLE

Et le poisson manque d’air, étouffe de tant de questions, envahi petit à petit par une cochenille dans la tête qui tourne en boucle, Pourquoi ? Pourquoi cela m’arrive ? Où j’ai fait mal ?

Dans le même temps,  je sens monter chez mes collègues proches, ceux avec qui je boss(ais), ceux qui me connaissent, les prémices d’une guerre intestine, sourde, avec les rancoeurs accumulées par les uns et les autres depuis tant d’années dans ce milieu dysfonctionnel, rancoeurs accumulées qui pointent le bout de leur nez ; la guerre intestine,  le moyen de communication en vigueur à ‘hôpital, fleuron de la gestion des ressources humaines de la fonction publique. Et cela, sursaut de mes valeurs personnelles, PAS D’ACCORD.

Et le poisson continue à nager, en pensant aux patients qui n’ont rien demandé, qui vont se retrouver au milieu d’une guerre clanique. Le poisson ravale sa fierté, sa colère, sa déception et calme le jeu chez ceux qui commencent à sortir les armes.

Le poisson s’épuise à essayer de faire avec ses valeurs personnelles et ses valeurs professionnelles.

Le poisson commence à comprendre comment d’autres poissons ont pu sauter du bocal pour échapper au conflit intérieur.

OK les copains ont fourni le Guide de Survie en Milieu Hostile.

OK le chevalier optimiste relativise tout cela avec la dérision et le rire.

OK le fiston courageux se tient prêt à soulever des montagnes pour sa mère.

Le poisson en vacances ne dort plus, n’a plus faim … mais continue à faire comme si rien n’était grave (cf. le joli récit « Rien de grave » de Justine Lévy) avec les copains, la famille.

STOP LA CHENILLE DANS MA TETE: j’en ai pris plein la tête, j’ai besoin de comprendre, je suis pas une sure-femme parce que je suis soignant, je n’écoute plus mes collègues soignants englués dans le milieu dysfonctionnel qu’est l’hôpital, je ne veux pas que ce travail pourrisse la vie des gens que j’aime et qui m’aiment.

  • Allo Docteur Z (psychiatre discret du privé), j’ai eu un gros problème au boulot, à l’hôpital, il y a plein de choses que je comprends pas, je suis désolée de vous embêter, mais j’aurais besoin d’un coup de main pour débroussailler tout cela.
  • Oui bien sur, l’hôpital, c’est compliqué, si je peux vous aider à y voir plus clair, il n’y a pas de soucis. Comment vous allez ? (Chouette, lui aussi, il se souvient que je suis une personne)
  • Pas très bien, j’ai l’impression que je pourrai perdre pied. Et puis, les coups de fil anonymes, les inscriptions qu’on fait pour moi sur des sites, je sais bien que c’est du n’importe quoi, mais cela me stresse de plus en plus. Et puis le vieux patron de chir que j’aimais bien est mort. Et tout cela, c’était une semaine après l’enterrement. Cela faisait un peu beaucoup.
  • Racontez-moi …
  • Je vais vous aider, mais vous savez, c’est une réaction normale, vous êtes une femme équilibrée, mature, avec des valeurs, alors forcément, c’est un gros choc pour vous cette histoire. Et puis l’hôpital, c’est pas simple. Vous avez bien fait de m’appeler, je vais vous accompagner. On se voit …, cela ira pour vous ?
  • Merci
  • Merci à vous d’avoir appelé.

Le poisson a trouvé une bouée. Dans une semaine, retour dans l’aquarium, pour la mise au placard.

Mémo : Ne pas oublier d’ajouter au budget « crème, sérum, esthéticienne », le prix de l’accompagnement (en secteur privé, bien sûr), que bien évidemment, en bon soignant, je ne me ferai pas rembourser par la sec soc, un peu honteuse quelque part d’avoir dû me faire aider.

Je me demande si dans le livret d’accueil des nouveaux agents dans la belle fonction publique hospitalière, il ne faudrait pas indiquer la nécessité de mettre un peu de sous de côté chaque mois, BUDGET SOUFFRANCE AU TRAVAIL A VENIR.

Ou bien alors, de souscrire une assurance personnelle, rubrique accident de la vie, sous rubrique agent de la fonction publique, sous-sous rubrique fonction publique hospitalière. TIENS, UNE IDEE DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE ME VIENT.