SOUVENEZ-VOUS!!! Athos c’est cet agent anonyme, victime de harcèlement sexuel et moral, dénigré, mis au placard, discrédité, pour avoir dénoncé ce que tous savaient…. (pour sa présentation c’est ici)

Dans le cadre du projet La Culture du Droit, parce qu’Athos est si drôle et acerbe sur ce milieu qui l’entoure, le service public, et parce qu’écrire c’est aussi une façon d’afficher une formidable résilience, je l’ai invité à rédiger des petites chroniques thématiques sur ses journées, ses occupations, ses collègues….

Voici une nouvelle petite histoire qui suit la précédente (l’évaluation – acte 1) et qui comme à l’accoutumée masque une profonde tristesse et un incroyable courage. Rappelons que dans la vraie vie, Athos est une personne brillante qui fort heureusement a quitté les griffes de ses agresseurs mais reste encore marquée par la violence morale subie. La justice quant à elle fait son chemin, bientôt une première décision…espérons que pour autant, quel que soit le résultat, (juge, si tu m’entends…) le talent d’Athos soit toujours présent parce qu’à dire vrai, après tous ces mois…Athos nous a sérieusement manqué.

Si d’autres personnes se trouvaient inspirées pour décrire avec humour leurs conditions de travail, je les invite à m’envoyer leurs textes et leurs idées. Nous allons en effet compiler les chroniques et réaliser un petit ouvrage que nous offrirons naturellement à la Ministre de la Fonction publique afin que remonte de façon humoristique mais non moins réaliste le quotidien des agents publics.

Je recherche de préférence des agents territoriaux ou hospitaliers, y compris statuts dérogatoires. A bon entendeur….anonymat garanti naturellement!

ecrivain

Mais revenons à la saga n°2 de l’évaluation d’Athos…

Evaluation Acte 2 – La réalité

« Je fais plus confiance à l’intuition qu’aux certitudes ». Semblant suivre à la lettre les préceptes de Murakami – « avec beaucoup d’intuition, tu ne seras jamais dans le pétrin » –  Bob a débuté ses évaluations. Et force est de constater qu’il a en effet peu de certitudes mais des intuitions généreuses qui ont soulagé tous ses agents. Certes, leur désormais « éponge préférée » n’est pas le produit le plus efficace du service, mais il sait se faire apprécier à grand renfort d’avancement et de superlatifs élogieux. L’équilibre est trouvé.

Pendant ce temps-là, les agents de Jo défilent vers son bureau comme des condamnés vers la potence. Le concept de dialogue ayant été enterré l’an dernier, aucune réelle (bonne) surprise n’est à l’ordre du jour. Si on ne se prononce pas sur les résultats de l’Euro, pour les statistiques de perte d’effectif de Jo, on est plutôt bien lancé. Pronostic de 50% de demandes de mutation dans les deux prochains mois, avec éventuellement du congé formation et peut être un congé parental. Grace à Jo, la mobilité dans l’administration n’est plus seulement un vœu pieux… Highlander devra donc encore jouer le canadair s’il veut s’éviter une justification fastidieuse et bien inutile  auprès des syndicats.

De son côté, Christine révise comme chaque année son dictionnaire des synonymes. L’an dernier, elle m’avait qualifié de « fonctionnaire motivée ». Cette année, elle tente : « enthousiaste ». Je deviens donc une « fonctionnaire enthousiaste ». Christine, c’est un peu le sens de l’oxymore avec un crayon.

En me penchant dans le Larousse, j’ai donc découvert que j’étais habitée par une «  émotion puissante » qui se serait emparée de moi et qui se manifesterait « par des signes extérieurs d’admiration, de contentement ». Autant dire que je suis perplexe. Y aurait-il une erreur d’émotion puissante ? Quel peut bien être ce signe extérieur d’admiration que Christine a perçu ?

Je dois avouer que cette grande cérémonie de l’évaluation a perdu toute aura pour moi le jour où malgré tout le travail fourni, mon chef du moment m’avait suggéré d’avaler plutôt des couleuvres pour me préparer une belle carrière. En lieu de couleuvres, j’avais vu défiler les mois suivants des crotales en tout genre qui avaient séché net mes envies d’avancement.

Mais j’écoute quand même Christine, bilingue français et langue de bois, me résumer mon année professionnelle. C’est le moment de se situer dans le baromètre de l’intérêt que l’on inspire à sa hiérarchie. L’éventail des possibilités est plutôt large et va de :

– la découverte de vos dossiers : signifie que vous avez un portefeuille plutôt miteux et aussi intéressant pour votre chef que le gribouillage du petit dernier, ou que vous êtes retranchés dans votre bureau H24 avec option antisocial, ou seulement que vous n’avez pas de dossier car en fait vous êtes au placard mais il faut quand même vous évaluer, etc ;

– le café entre amis : vous faites partie des meubles et personne ne peut plus rien vous dire, ou vous avez tous les dossiers stratégiques ou vous êtes de la même promo,…

Et je suis ravie de constater que Christine entre deux soirées Macumba a suivi mon actualité des douze derniers mois du Farghestan au déblocage de la porte des archives avec une agrafeuse. On vient de rentrer dans la phase « café entre copines ». Mais ne serait-ce donc pas là cette fameuse « émotion puissante » ?!?