Les devoirs de réserve, d’impartialité et de neutralité, surtout pour des magistrats, n’ont pas été édictés pour policer et censurer les agents publics mais pour réserver aux prérogatives régaliennes de l’Etat une dimension sacrée, respectée et respectable, surtout dans le cadre d’un procès d’assises où la charge émotionnelle peut être extrêmement forte et le symbolisme de la justice d’autant plus requis.

La newsletter Dalloz de ce jour nous réserve les extraits des échanges sur Twitter d’un avocat général et d’un juge assesseur en pleine audience (première violation présumée de l’obligation d’impartialité et de neutralité), langage on ne peut plus fleuri, qui porte directement atteinte à l’image de l’institution.

Cette affaire somme toute, hélas, fréquente – la justice est humaine et le juge aussi aime Twitter – rappelle les devoirs du fonctionnaire et la nature de ses fonctions, devoirs qui revêtent une importance toute particulière au regard des circonstances de la publication de ces tweets (en pleines assises) tout autant que de leur contenu (Contre les témoins: « On a le droit de gifler un témoin? » – « Non mais pour la sodomie ça peut s’arranger » ou encore, l’auteur étant l’un des assesseurs, contre la présidente du collège de juges « Un assesseur exaspéré qui étrangle sa présidente en pleine audience, ça vaut combien? »).

L’avocat général bien imprudent encourt un déplacement d’office ce qui signifie en droit de la fonction publique… une mise au placard, du moins temporaire.

Pour autant, les conclusions de cette chronique ne sauraient créer d’amalgame sur la nature de la sanction proposée par le conseil supérieur de la magistrature dans cette affaire avec le sort qui avait été réservé au juge Burgaud ou à M. Courroye tant la proportion de la sanction est liée aux faits de l’espèce, ce qui pose, entre les lignes, la difficile question de la responsabilité des magistrats. En effet, l’erreur judiciaire, dans un système complexe où de multiples responsabilités sont engagées, n’a rien à voir avec un échange assez peu respectueux de tweets. En un mot, l’art de juger ne se confond pas avec la publication dangereuse et en vogue de ses états d’âme, si inintéressants et malheureux soient-ils.

En filigrane?

Les magistrats sont des fonctionnaires, bien que cette qualification ne leur plaise guère, et sont régis par une ordonnance de 1958 leur conférant un statut dérogatoire de la fonction publique d’Etat. Ce qui les distingue, c’est leur indépendance consacrée par la constitution: le juge ne doit avoir aucun lien avec l’exécutif (le pouvoir politique) pour pouvoir juger en toute indépendance. C’est en ce sens d’ailleurs que la question de l’indépendance du procureur, relevant hiérarchiquement du Ministère de la Justice, continue de se poser.

Alors jusqu’où va l’indépendance? En tous cas pas jusqu’à critiquer ouvertement des collègues ou des justiciables en pleine audience, laissant entendre d’une part que l’on est suffisamment distrait pour s’adonner à une prose peu amène sans remplir pleinement ses fonctions (d’autres dorment en pleine audience mais sur ce point, pas de sanction, d’où l’on relèvera que c’est la nature publique de l’affront qui fait aussi « l’infraction »…), d’autre part que la fonction même exige sérieux et neutralité car le/la juge n’est pas un homme/femme comme les autres.

A bon entendeur…

Le magistrat twitte pendant une audience – Actualité | Dalloz Actualité