« Pop & Psy, comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques » signé du Dr Jean-Victor BLANC, psychiatre, vient de paraître aux éditions PLON.

Cet ouvrage illustre certaines classifications du DSM V (cartographie américaine des maladies mentales) par la culture pop afin de sensibiliser le grand public, notamment les millenials, aux troubles de la personnalité et démontrer que l’on peut réussir une vie incroyable, même avec un handicap mental.

A travers la bipolarité de certains grands chanteurs, la schizophrénie de Nathalie Portman dans Black Swan ou encore la dépression dans Melancholia, le Dr BLANC décrit avec précision, sans vulgariser, ce qu’est un trouble de la personnalité, avec une tendresse, si j’ose dire, qui fait du bien, dans une société où la vulnérabilité est perçue comme un handicap insurmontable.

Cet ouvrage est non seulement d’une parfaite clarté mais il est à mettre entre toutes les mains pour éclairer sur la psychiatrie et faire comprendre que le handicap, qu’il soit physique ou mental, ne doit souffrir aucune discrimination.

Sur la dépression par exemple, il permettra d’aider l’entourage à comprendre les mécanismes de la maladie sans brusquer ni juger, et la personne concernée à comprendre ce qui lui arrive sans déni, prête à accepter les soins et les chemins possibles vers la guérison.

Il est temps de mettre fin aux moqueries sur le handicap mental ou de qualifier de « bipolaire », ce qui est avant tout une souffrance terrible pour le patient, quelqu’un qui change d’avis souvent ou présente des troubles de l’humeur, un mal somme toute assez classique… Dans une démarche classique de soignant, en l’absence de tout jugement moral, le Dr BLANC nous donne des clefs pour comprendre les différents comportements à travers des définitions éclairantes.

On apprend ainsi que non, la France n’est pas le plus gros consommateur d’anti-dépresseurs. En revanche, il y aurait trop de prescriptions non justifiées, ce que l’auteur explique par le fait que ce sont, dans 80% des cas, des médecins généralistes qui prescrivent.

Le réflexe de la prescription médicamenteuse sans suivi par un psychiatre est en effet au préjudice direct du patient si les causes de son mal-être ne sont pas analysées.

Ainsi selon l’auteur, c’est le rapport au médicament qui pose problème, plutôt que le nombre de personnes devant avoir recours à un traitement.

Au-delà de la sensibilisation aux maladies mentales, l’auteur explique ainsi très clairement quel est le rôle d’un psychiatre, quel est son coeur de métier, quelle est son utilité, à une époque où la psychiatrie est l’un des secteurs hospitaliers les plus en crise, ce qui n’est pas sans interroger sur les rapports des personnes entre elles dans nos démocraties et ce que l’auteur, entre les lignes, semble dénoncer.

Rajoutons enfin que le Dr BLANC dispense une série de conférences en partenariat avec les cinéma mk2 du 19 octobre 2019 au 21 mars 2020, conférences au cours desquelles il explique différents troubles de la personnalité à travers des films cultes dont vol au dessus d’un nid de coucou, requiem for a dream ou encore à travers l’histoire de Whitney Houston et Amy Winehouse.

J’ai été particulièrement sensible aux développements de l’auteur sur la dépression des adolescents, au moment où le magazine Télérama titre son dernier numéro sur le burn-out de nos jeunes et la pression parentale sur des êtres fragiles à la construction identitaire rendue de plus en plus complexe.

Le Dr BLANC décrit ainsi le film magnifique de Sofia Coppola Virgin Suicides (1999). Il expose également le profil de l’un de ses patients, jeune adolescent, présentant des alcoolisations massives avec risque de noyade, prise quotidienne de cannabis, essais multiples de drogues de synthèse, fugues, insolence….

« Pourtant, au-delà du récit, c’est un profond sentiment de désespoir qui prédomine. Il n’y a aucune provocation, ni aucune jouissance dans ses conduites. Il les a d’ailleurs exposées ces derniers temps, n’ayant même plus envie de voir ses amis avec qui il faisait les quatre cents coups. Après quelques mois de déscolarisation, Louis n’arrive même plus à se projeter dans un futur plus loin que quelques jours. Finalement, il est atteint d’un syndrome dépressif sévère, et il est en demande d’aide. L’entendre le surprend, car il s’attendait plutôt à un sermon après ce qui lui semblait une énième « déposition ». Poser et expliquer ce diagnostic a permis d’améliorer la dynamique familiale en donnant un autre sens à ses conduites et à son irritabilité. Et ç’a été le premier pas vers des soins et une amélioration. Lui faire entendre une réponse ni éducative ni moralisatrice à son problème a notamment permis un bon investissement de sa part. Cette attitude peut parfois paraître déconcertante à l’entourage: un psychiatre qui ne dit pas d’emblée et uniquement que « la drogue ce n’est pas bien » ou que « l’école c’est très important » étonne. Ne pas rabâcher ces vérités, bien souvent déjà énoncées maintes fois, est pourtant précisément ce qui permet de nouer un autre rapport avec le patient. » (pages 202-203)

J’ai été attirée par le titre de cet ouvrage pour avoir beaucoup travaillé sur le sujet du narcissisme et des célébrités. On évoque souvent le narcissisme comme une pathologie contemporaine. (Voir mon interview du Dr HIRGOYEN sur son ouvrage les Narcisse). Les réseaux sociaux, la télé-réalité, Internet en général ont généré l’émergence des influenceurs et autres stars d’un jour estimant leur valeur intrinsèque au nombre de « like » obtenus, créant un marché étourdissant de la célébrité, dans une vacuité démoniaque et préoccupante, avec en miroir le développement de pathologies lourdes, notamment la dépression.

A ce sujet, les séries d’Arte creative sur les réseaux sociaux illustrent parfaitement la création de nouveaux besoins en dopamine des utilisateurs, véritable addiction, et les conséquences dramatiques pour la construction identitaire des individus. Autre série illustrative à ce sujet, Black Mirror à voir sur Netflix….quand la réalité semble dépasser la fiction…

Il devient difficile d’exister dans un monde où le rapport à la Nature et au réel est totalement distordu.

Mais au-delà de ce narcissisme pathologique sur-exposé dans la virtualité, se cache derrière l’écran, le « black mirror », un narcissisme défaillant. Plus la vie virtuelle est valorisée, publiée et fantasmée par l’audimat, plus l’individu refoule sa dépression et le vide de sens.

C’est comme si nous étions tous des squelettes tristes et dénués de tout attrait, vivant notre corps, notre chair, nos émotions, nos goûts vestimentaires et notre joie de vivre à travers un jeu vidéo. Une fois la console éteinte, notre univers se retrouverait vide, sans amis, sans sens, sans but et sans saveur jusqu’à l’ouverture du prochain jeu.

A ce sujet, ce qui fera l’objet d’une autre rubrique dans nos colonnes, le premier roman d’Abel Quentin « Soeur », publié aux éditions de l’Observatoire, traite de la radicalisation d’une jeune adolescente victime de harcèlement scolaire, qualifiant elle-même son existence d’insignifiante, cherchant avant tout à ne pas « mourir en catimini ».

Le narcissisme défaillant, chez certains artistes, ce qui a précipité leur chute, comme en témoigne le fameux club des 27, est un sujet peu étudié en France, alors qu’il révèle des failles originelles que l’on peut retrouver au quotidien dans le monde du travail et qui fait de ces personnes, souvent, des cibles désignées de harcèlement moral ou de maltraitance. Les mécanismes de défense ou de rapport au monde et aux autres sont insuffisants ou dysfonctionnants, ce qui peut les marginaliser, les exclure ou les empêcher de développer des rapports sociaux sereins et épanouissants. En découlent des comportements d’addiction parfois particulièrement destructeurs.

Notons à ce sujet l’ouvrage « La nuit j’écrirai des soleils » de Boris Cyrulnik qui traite, lui, des failles narcissiques liées aux traumatismes de l’enfance chez les grands auteurs et comment l’écriture a pu les aider, voire les sauver.

En clair, alors que nos sociétés vivent une crise de sens et une montée en puissance de sentiments de solitude et d’isolement, il devient urgent de recréer du lien, de mettre des mots sur les maux et de valoriser l’intervention des psychiatres, ces docteurs de l’âme.

Car au fond, ce que nous dit l’ouvrage du Dr BLANC, c’est qu’il existe une vie, parfois admirable, malgré le handicap mental, pour le patient lui-même et pour son entourage.

Bravo à l’auteur pour cet ouvrage éclairant, afin de mettre fin à la discrimination du handicap mental. Merci infiniment à mon amie Régina pour m’avoir fait découvrir cet auteur, au détour d’une conversation sur l’addictologie.

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