John STEINBECK, prix Nobel de littérature, a reçu en 1940 le prix Pulitzer pour son ouvrage « Les raisins de la colère« , l’histoire d’une famille durant la Grande Dépression à compter du krach de 1929 aux Etats-Unis.

L’ouvrage démarre sur la description aride et sèche de la spoliation des terres par les banques pour cultiver du coton, la dépossession des métayers et la montée en puissance d’un capitalisme aveugle qui prend, cultive, appauvrit et abandonne.

Aujourd’hui, alors que le monde vit une crise de sens et qu’à l’échelle du travail, on se demande souvent vers où l’on va et à quoi l’on sert, l’ouvrage de STEINBECK n’aura jamais été aussi contemporain.

Un chef-d’oeuvre.

En voici quelques extraits, éloquents, qui devraient nous ramener à l’essentiel.

Dialogue entre un métayer qui cultive sa terre et un conducteur de tracteur mandaté par une banque pour le déposséder. (Folio, page 56)

 » Le métayer réfléchissait:

– C’est drôle tout de même comme sont les choses. Si un homme a un peu de terre, cette terre est à lui, elle fait partie de lui, elle est pareille à lui. S’il a juste assez de terre pour pouvoir s’y promener, pour pouvoir s’en occuper et être triste quand ça ne rend pas, et se réjouir quand la pluie se met à tomber dessus, cette terre c’est lui-même et dans un sens il en est grandi parce qu’il en est le propriétaire. Même s’il ne réussit pas, sa terre lui donne de l’importance. C’est comme ça.

Et le métayer allait plus loin.

– Mais qu’un homme possède des terres qu’il ne voit pas, ou qu’il n’a pas le temps de passer à travers ses doigts, ou qu’il ne peut pas aller s’y promener…alors, c’est la propriété qui devient l’homme. Il ne peut pas faire ce qu’il veut, il ne peut pas penser ce qu’il veut. C’est la propriété qu’est l’homme, elle est plus forte que lui. Et il est petit au lieu d’être grand. Il n’y a que sa propriété qui est grande…et il en est le serviteur. C’est comme ça aussi.

Le conducteur mâchait la tarte estampillée et jetait la croûte.

– Les temps sont changés, vous devriez le savoir. C’est pas en pensant à des idées pareilles que vous donnerez à manger à vos gosses. Touchez vos trois dollars par jour et nourrissez vos gosses. Vous n’avez pas de raison de vous préoccuper des gosses des autres, occupez-vous des vôtres. Vous vous attirerez des ennuis si vous tenez ce genre de discours, et vous ne gagnerez jamais trois dollars par jour. Les patrons n’vous donneront jamais trois dollars par jour si vous vous préoccupez d’autre chose que de ces trois dollars. »

A l’heure où l’Homme reprend doucement conscience du monde qui l’entoure et de l’essence de la Nature, réfléchissons ensemble à l’organisation du monde, à son sens, en lisant par ailleurs le numéro de mai 2019 de la revue Books « avons-nous eu tort d’inventer l’agriculture« ? Qui était l’homme du néolithique? Existe-t-il le vrai bonheur du bon sauvage, chasseur-cueilleur ? A méditer….